La beauté se rencontre dans les larmes

Je n’ai jamais écrit de fin à ce blog. Je crois qu’inconsciemment, je voulais garder ce chapitre ouvert. Aujourd’hui, cela fait 8 mois que j’ai quitté St-Petersbourg. Il est peut-être temps de rédiger l’épilogue.

Janvier 2016 dans la campagne russe

J’ai fait cette vidéo peu avant mon départ, elle trahit mon émotion, ma mélancolie. Le ton est un peu trop romantique à mon goût, mais bon, ce pays me rend comme ça. Heureuse à en pleurer.

On dit en Russie que la beauté se rencontre dans les larmes.

J’ai peur de rentrer chez moi le soir

C’était un mardi ordinaire. Il était une heure du matin et j’étais sortie faire des petites courses (on prend des habitudes étranges quand les magasins sont ouverts 24h/24). 5 minutes. Juste en face. Traverser la rue puis revenir.

Seulement voilà : quand je suis revenue, la porte de mon immeuble était fermée. De l’intérieur. Un fichu verrou qui m’empêchait de retrouver mon lit. Depuis quelques temps, un voleur sévit dans l’immeuble. Un voleur de…

lampatchik

Le mot me fait penser à “lampion”, puis cette terminaison en “tchik”, c’est mignon. Du coup quand ma colloc m’a dit ça, j’ai trouvé ça rigolo. J’imaginais un voleur tout gentil, genre faux méchant de dessin animé.

voleur

Bon maintenant que je suis enfermée dehors, je rigole moins. Bref. C’est pas grave, ma colloc va m’ouvrir, right?

Je sonne. Une fois. Deux fois. Cinquante mille fois. Elle dort a point fermé. Je l’appelle. Une fois, deux fois, cent cinquante mille fois.are you fucking kidding me

Mais qui est le crétin qui a fermé la porte derrière moi, grmmbl. Il est 1h du matin, mais tant pis, on va essayer les voisins.

Appartement 27 : pas de réponse

Appartement 28 : pas de réponse

Appartement 29 :

  • C’est qui?!
  • Bonsoir, veuillez m’excuser, je suis navrée mais j’habite ici, appartement 31, avec Dina, et la porte d’en bas est fermée. Est-ce que…
  • Niet.

Appartement 32 : pas de réponse

Appartement 33 :

  • Da!
  • Bonsoir, veuillez m’excuser, je suis navrée mais j’habite ici, appartement 31, avec Dina, et la porte d’en bas est fermée. Est-ce que…
  • Est-ce que quoi ? Il est 1h30 du matin. Vous n’avez pas honte de réveiller les gens à cette heure-ci?
  • Je suis désolée mais… j’habite ici!
  • Je n’ouvrirai la porte à quiconque! Maintenant excusez moi, mais je dors!

Alors que je sonne au dernier appartement de l’immeuble, je me surprends à espérer que personne ne réponde. Voeu exaucé. Parfois je me réjouis des situations malheureuses, car elles sont signes d’expériences insolites. 

Bon, là, honnêtement, rien de bien fou. J’ai erré dans la ville, en pijama sous mon manteau, sans autre but que d’attendre que le temps passe.

J’ai tout de même eu l’occasion de m’extasier sur le bon goût des russes…

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Si si, le mec a ruiné sa BM avec une peinture effet “j’ai écrasé un piéton”. Franchement… En plus il est garé comme un plouc. 

 

Ou encore leur français irréprochable…

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Puis je me suis arrêtée dans une librairie, j’ai acheté un carnet et je me suis autorisée mon plaisir ultime :  boire un verre de vin blanc dans un joli café et écrire en regardant les gens passer. J’étais presque déçue quand j’ai enfin pu rentrer chez moi. J’aime bien rentrer tard le soir.

La poule et le militaire

Je ne suis pas la plus ponctuelle des personnes : en matière de trains, de bus ou d’avions ratés, j’ai un historique, hum, assez chargé. Mais avec le temps, je m’améliore, je deviens une adulte responsable.

et parfois j'arrive même à l'avance

Il y a quelques semaines, je devais prendre un bus pour Riga, et je suis arrivée avec -non pas 1/4 d’h, non pas 1/2 h, mais une heure d’avance. Carrément.

Je tue le temps en buvant une Baltika dans un bouge à côté de la station. L’odeur des frites et la spatule qui gratte le métal me rappelle la Belgique et ce petit instant de nostalgie me fait oublier l’insalubrité de l’endroit.

20 minutes avant le départ de mon bus, je me rends à l’arrêt. Désert. Bizarre. Je ne m’inquiète pas plus que ça, quand je vois un militaire sortir de son poste de garde. Il s’allume une clope et m’accoste…

dievochka1

Je lui réponds que j’attends le bus, et là il se met à rigoler : “mah! Ils sont tous partis à cette heure-ci!”. “Mah, non, regardez!” Je lui montre mon billet, il parait un peu circonspect, puis il m’invite très naturellement à attendre dans son poste “parce qu’il fait quand même froid dehors”. J’hésite un peu, puis pourquoi pas après tout? Ca peut être rigolo, davaï.

Et voilà comment je me suis retrouvée à guetter mon bus sur des caméras de surveillance avec un vieux moustachu.

IMG_20160612_232654

je me demande pq accentun vrai dirigeantinterlude wikiLa nostalgie de l’Union soviétique est un phénomène très répandu en Russie. Cette nostalgie du système politique s’exprime souvent par le regret de la culture et de la société soviétique ou tout simplement de l’esthétique de la période soviétique. Souvent la nostalgie de l’Union soviétique est exprimée en raison des souvenirs de l’enfance et de la jeunesse. Il s’agit d’un phénomène contradictoire qui englobe un large éventail d’opinions.

Notez bien que les nostalgiques de l’URSS ne sont pas tous des jeunes crétins influencés par la récente réhabilitation du camarade Staline par Poutine ou des vieux réacs comme celui que j’ai rencontré. Il y a aussi ces Russes qui ont vécu la chute de l’URSS comme un véritable drame, et qui voyaient dans le communisme un idéal de solidarité et de fraternité. Il faut regarder le docu “Adieu camarade” qui retrace l’avènement, l’apogée, et la chute de l’empire soviétique pour comprendre que cette période est bien plus nuancée que ce que nos manuels d’histoire nous ont enseigné.
Et maintenant, place à…

interlude music

Mais revenons à mon histoire…

qu'est ce qu'il fout ce busok

mais non

mais non2

mais non3

nié pirijivai

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paka-okfinal

 

 

 

 

 

 

 

 

Conclusion de l’histoire :

  • Arriver une heure à l’avance, si c’est pour se tromper de station, ça ne sert à rien.
  • En Russie, je me fais draguer soit par des policiers corrompus, soit par des militaires fan de Staline. SUPER.

 

 

Lucky tickets and victory day

Les Russes sont assez superstitieux, c’est bien connu. Ils font des trucs un peu étranges, parfois. Au nouvel an, par exemple, j’ai écrit mes souhaits sur un bout de papier que j’ai brûlé, et j’ai bu les cendres avec du champagne (c’était moyennement bon). Je trouve ça plutôt rigolo et je me prête facilement à ce genre de jeux. Du coup, un truc que j’aime bien faire, complètement inutile et donc indispensable, c’est de vérifier si je n’ai pas un “lucky ticket” lorsque je prends le bus.

IMG_20160318_193823.jpgOn my way back from work. J’aime beaucoup la lumière des phares qui se divise sur le sol.

Dans les bus, il y a le “kondouktor” ou la “kondouktora”, si c’est une femme. Contrairement à ce que son nom laisse penser, le “kondouktor” ne conduit pas le bus, mais contrôle les tickets, ce qui est un des pires jobs au monde. Déjà, il faut être vachement physionomiste pour reconnaître à chaque arrêt les gens qui ont déjà payé et ceux qui doivent encore payer. Puis aux heures de pointes, pousser grossièrement les gens se faufiler entre les gens, tout en demandant “kartatchki?” (“vous avez un abonnement?”). Si vous n’avez pas de “kartatchka”, il vous faut payer 30 roubles (soit un peu moins de 50 cents) pour le trajet, en échange de quoi vous recevez un ticket.

Les tickets sont numérotés, et si la somme des 3 premiers chiffres est égale à la somme des 3 derniers chiffres : jackpot, dingdiling, you’ve got a lucky ticket ! Qu’est-ce que ça apporte ? Pas grand chose. Juste le sentiment que votre journée ne peut que bien se passer.

IMG_20160513_194426.jpgEn ce moment, je reçois plein de tickets porte-bonheur. Hier, j’en ai même reçu deux. Dont un avec exactement les mêmes chiffres d’un côté et de l’autre, et dont la somme faisait 10. Si ça c’est pas de la chance ! Oh, et dois-je vous rappeler la date d’hier ? Oui, vendredi 13. I’m such a счастливая девочка. 

IMG_20160318_212331_726Le pont Lityéiniy, au début du printemps 

IMG_20160508_212725Le même pont, de l’autre côté, il y a quelques jours

Litieyniy, un de mes ponts préférés (oui, je fais des classements de ponts, il y en a tellement). Je l’emprunte chaque jour pour aller au boulot, de l’autre côté de la Neva, et je ne me lasse pas de la vue. C’est juste incroyable. Avec ou sans lucky tickets, je suis vraiment chanceuse d’habiter ici et d’avoir l’occasion de découvrir cette culture.

Lundi, c’était le 9 mai, jour de commémoration de la capitulation de l’Allemagne nazie. En Russie, on ne célèbre pas la fin de la seconde guerre mondiale, mais plutôt la fin de la “Grande guerre patriotique”, ce qui a son importance. 

Screen Shot 2016-05-11 at 04.17.57 Au temps de l’Union soviétique, ce jour était célébrée en grandes pompes. Puis, avec la fin de l’URSS, le jour de la victoire, ou “dièn pabiédi” en russe, a perdu de son importance. Il connaît un renouveau ces dernières années, depuis la montée au pouvoir de Vladimir Poutine.

IMG_20160510_213118Depuis quelques semaines, la ville se prépare ; les affiches des arrêts de bus arborent les visages des vétérans, les drapeaux russes flottent au vent de chaque enseigne, et de grandes banderoles ont été accrochées tout le long de la Nevsky Prospiekt.

IMG_20160505_193007Les gens mettent des autocollants sur leur voiture “Merci grand-mère et grand père pour cette fantastique victoire !”

C’était assez fou, lundi, de voir toutes ces personnes venues regarder la parade militaire, avec leur petit chapeau, achetés auprès de vendeurs à la sauvette, bien contents de se faire un peu d’argent.  Le jour de la victoire, tout un business. 

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Parmi mes amis russes, deux catégories : ceux qui pensent que ce jour est important, qu’il faut se souvenir du sacrifice et du courage des vétérans. Et puis d’autres, plus critiques, qui voient cette fête comme une opportunité du pouvoir russe de bander ses muscles et de flatter le sentiment nationaliste.

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IMG_20160510_164231Pour ma part, je pense qu’il n’y a pas de mal à aimer son pays et être fier de sa culture. Le problème, c’est quand le patriotisme se mue en nationalisme et quand l’amour des siens se transforme en haine des autres, pour reprendre Romain Gary. Se souvenir du courage des vétérans et célébrer la fin de la guerre, oui. Mais n’y a-t-il pas quelque chose de paradoxal et d’indécent à le faire à coup de parades militaires ? Il faudrait pas plutôt se jeter des fleurs et s’embrasser les uns les autres ? Décider de couper dans les dépenses de l’armée et, soyons fous, investir de l’argent dans la culture et l’éducation ?

Alors, oui, je suis un peu bisounours schtroumpf, et parfois terriblement naive. Au début, quand je voyais des tracts “Aliona cherche l’amour, +44-979898”, je pensais qu’Aliona cherchait VRAIMENT l’amour. Je me disais “oh c’est marrant, c’est un peu comme les petites annonces avant dans les journaux ! JF cherche JH intelligent, cultivé et sachant cuisiner”. La question que je me pose maintenant, c’est : mais comment ai-je survécu 27 ans en dehors du Pays Maudit ?

J’habitais au 47, Engelsa Prospiekt

Il y a un peu plus d’un mois, j’ai quitté mon quartier super bien situé (ha, ha, ha) pour déménager dans le centre ville de Saint-Pétersbourg. J’habite maintenant à 5 min de Nevsky Prospiekt (trooooop cool !), et désormais, je ne mets plus que 45 minutes pour aller au boulot, youhou ! C’est chouette, très chouette même, mais bien sûr, je suis un peu nostalgique d’Oudyelnaya.

Car le 47 Engelsa prospiekt, c’était ça : 

Et puis c’était ça aussi…

porte rouge

Cette porte rouge tant de fois franchie. Le bip bip biiiip familier du domaphone.

 

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Sortir de chez moi et m’apercevoir qu’il a un peu neigé cette nuit. Me trainer jusqu’à l’arrêt de bus avec mille et une précautions pour ne pas glisser. Frôler la mort au moins 10 fois.

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“Faire l’amour” près de ma fenêtre tant aimée

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Sortir à 2h du matin avec Miroslava, une amie mexicaine de Mélissa venue nous rendre visite. Jouer dans la neige, rigoler comme des gamines et se faire engueuler par le voisin.

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Cette vieille bagnole que je retrouvais chaque soir en rentrant, et qui doit pas avoir bougé depuis 20 ans

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La petite famille de chats trop mignons qui squattaient l’immeuble (oui, c’est un pléonasme, les chats sont toujours mignons, mais ceux-là… ils étaient vraiment trop cute. Les parents et le chaton,  constamment ensemble, avec leurs grands yeux qui semblaient dire “s’il vous plaît, laissez-nous vivre près du radiateur, on ne fera pas pipi partout, s’il vous plaît…”)

 

Et puis… last but not least… Mélissa ! Мая капуста [kapousta, ça veut dire  “chou” en russe. Je l’appelle comme ça parce qu’en hiver, elle portait toujours 36 000 couches, comme un chou], merci pour tous ces moments passés ensemble : nos fous rires, nos repas brocoli micro-onde / tvorog, nos expéditions en marchoutka, nos soirées passées à discuter de la vie, des voyages, de nos expériences, et puis bien sûr de notre mois préféré (j’ai un faible pour juin aussi, hum, mais septembre n’était pas mal non plus…). Merci pour tes conseils, ton soutien, ton enthousiasme et ton optimisme inébranlable.

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Я тебя люблю !

 

Les joies de l’administration russe, part II

Salut les copains! Aujourd’hui, 2ème leçon de russe. Sounds repetitive? Because it is. Il me semble qu’il faut un autre mot pour décrire cette situation rocambolesque…

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Lundi, je suis donc retournée au centre de visa…

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Okay…

Surtout, ne pas désespérer. Je vais régler le problème à la source et appeler l’ambassade, puisqu’apparemment, ça bloque de ce côté là.

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Décision tout à fait logique et rationnelle, hum.

happy bonnet

Ce bonnet est vraiment trop chouette, non? Et il fait écharpe, aussi. Trop génial.   Mais maintenant, que faire?  Ce n’est pas mon beau couvre-chef qui va m’aider à passer la frontière.
Je commence à me dire que la dourak du centre de visa a peut-être raison : ça irait plus vite dans un autre pays. Je n’ai pas envie de retourner en Finlande, mais Riga n’est qu’à 300 bornes et il paraît que c’est très joli. Mhhh, tentant. Mais qui me dit que ce sera différent?

Ahhh, ces dourak! Cette situation commence à sérieusement m’énerver. Je vais aller les voir, tiens. Si ces crétins ne répondent pas au téléphone, ils répondront peut-être si je vais sur place. Après tout, qu’ai-je à perdre?

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Après avoir expliqué – péniblement, en russe – ma situation, l’homme au bout du fil prend pitié de moi et me dit “bon, okay, allez, je vais vous aider, passez.”

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Alors je ne sais pas ce qu’il a pu raconter au téléphone (tout en me regardant du coin de l’oeil), mais en tout cas, le lendemain, quand je suis retournée au centre de visa, la situation était effectivement réglée.

Youhouuuu! J’ai donc pu retourner en Russie vendredi, sans trop d’encombre. Il y a juste eu un petit incident sur la route…

policier fumer

L’univers m’envoie des signes. Il faut que j’arrête de fumer.

Les joies de l’administration russe

Salut les copains! Aujourd’hui, je vais vous apprendre un mot de russe très utile :

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Vous pouvez aussi dire “idiôt”, en prononçant le “t”, mais je trouve que dourak sonne mieux. C’est un de ces mots dont on peut presque deviner le sens, tant la sonorité est appropriée. Franchement, même en ne parlant pas russe, on comprend d’emblée qu’un dourak, ça ressemble un peu à ça :

Genius

Quant au contexte d’utilisation, et bien… il m’est arrivé il y a quelques jours une histoire qui pourrait servir d’exemple.

Je vous écris de Tallinn, la petite capitale (440000 habitants) de l’Estonie. C’est dans cette charmante ville médiévale que j’ai décidé de refaire mon visa.

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Tous les 3 mois, c’est la même histoire, je dois sortir du territoire russe pour renouveler mon visa. C’est un peu ennuyeux, mais d’un côté ça fait des vacances 🙂 Bref. Jeudi, lendemain de mon arrivée, je me rends au centre de visa pour la Russie, un centre censé faciliter les demandes de visa…visa estonie okgif-dourakok-okok

J’y suis retournée le lendemain, toujours la même chose : “on a envoyé un mail au ministère, il faut attendre la réponse. On vous appellera.” Heureusement, j’avais prévu le coup : l’administration russe, c’est un peu comme la police, même si tu es en ordre, tu sais qu’ils ont le pouvoir de t’emmerder. Donc au lieu de réserver mon billet de retour pour lundi, j’ai pris 2 jours de battements. Il faut dire qu’avec leur email, j’avais flairé le coup :

visa mail

“Le consulat se réserve le droit de demander des documents supplémentaires ou d’augmenter la durée d’obtention du visa.” Bah oui, tiens. Dourak.

Bref, j’y retourne demain, s’ils ont reçu la réponse, je devrais obtenir le graal mercredi, et je serai en mesure de retourner ce jour-là, comme prévu, à Saint Petersbourg. Sinon bah, j’ai plus qu’à m’installer ici et apprendre l’estonien.

Only in Russia

Il y a des trucs en Russie qu’on ne fait pas comme ailleurs. Vous avez peut-être déjà vu ce hashtag #onlyinRussia, souvent accompagné de photos de gens bourrés dans la neige, d’ours dans le tram ou de situations complètement absurdes qu’on ne peut voir que là bas. Ce que je m’apprête à vous montrer est un peu plus poétique. Cela fait partie de ces instants où le temps se suspend, ces instants qui invitent au silence et à la contemplation. En Russie, on ne va pas se promener à la mer, on va se promener sur la mer. Comme Jésus.

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Sous nos pieds, le golfe de Finlande, et au dessus de nos têtes, un ciel limpide surmonté d’un soleil aveuglant. Beauté irréelle, fantastique, cratères lunaires, j’avais l’impression d’être sur une autre planète.

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Au loin, une dizaine de silhouettes perdues sur la ligne d’horizon.

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Des pécheurs. Arrivés là au petit matin, ils ont d’abord foré un trou dans la glace, et maintenant ils sont assis, canne à pêche en main, le vent glacial et piquant qui souffle près de leurs oreilles, et autour d’eux, la neige qui se soulève, tournoie, fine et légère, comme une tempête de sable blanc.

De la berge, je les regarde et j’imagine leur journée. De temps en temps un petit verre de vodka, un peu de chaleur dans le gosier. Il n’y a rien à faire, sauf attendre que le poisson morde à l’hameçon, que le temps s’écoule dans le silence des vagues qui se sont arrêtées, pétrifiées dans la glace.

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Aujourd’hui il pleut. Sur les trottoirs, des tas de neige crasseuse, brunâtre. Ca a un côté un peu triste. Le printemps a commencé il y a quelques jours, le 1er mars. Non, que le temps s’arrête!

Je ne veux pas que l’hiver se finisse.

 

Ce week end, j’ai reçu un email étrange

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Auquel je voudrais répondre…

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Je me rends compte de l’opportunité, de la chance que j’ai d’être ici, de vivre dans cette ville folle, et oui, il faut que j’écrive tout ça, pour ne jamais oublier ces moments. Je n’ai jamais été aussi heureuse, c’est difficile de décrire tous les sentiments qui m’envahissent, mais je vais essayer. 

En règle générale, je n’aime pas trop janvier, les fêtes de fin d’année passées, on a plus grand chose en vue, il fait froid, gris, c’est nul. Janvier en Russie, c’était magique. Je suis partie en camp avec les enfants, dans la région des lacs.

là

Une semaine, 19 hooligans, 2 maisons, -36 degrés, beaucoup d’amour, de rire, de joie. Bon, quand je dis ‘hooligan’, il ne faut pas penser à un supporter de foot agressif et imbibé. En russe, le mot recouvre un autre sens.

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Un sale gosse quoi. Pour nos petits hooligans, ce camp fut l’occasion d’apprendre à vivre ensemble -avec ce que ça implique en terme de gestion de conflits / situations de crise type “ma maman me manque” / tout ça tout ça. Il a aussi fallu gérer les tâches quotidiennes ;  faire son lit, la vaisselle. Ca a l’air con mais certains gosses vivent dans des environnements tellement bordéliques que ces petits gestes simples leur sont inconnus.

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Moi aussi ça m’a appris pas mal de trucs. C’était pas évident d’être constamment entourée, sans pouvoir m’isoler (god, ces gosses sont PARTOUT), mais j’en retire une expérience formidable.

Déjà, la campagne sous la neige, c’est incroyablement beau. Une beauté magique, féerique, irréelle. Le genre de beauté qui donne envie de rester des heures dehors à rêver, les yeux perdus dans la forêt, marcher dans la neige qui fait “skroutch skroutch” sous ses pas, attendre qu’un elfe surgisse des fourrés et nous propose d’aller boire un thé dans une cabane haut perchée, sauf que… -30, c’est froid, très froid. A tel point que mes crottes de nez ont gelé. Oui, je sais ce n’est pas très ragoutant et ça contraste avec la description de beauté pure et étherée, mais j’ai trouvé ça fou. Je n’ai jamais eu aussi froid. J’ai parfois eu l’impression que j’allais y laisser un orteil (ou deux), mais ça en valait la peine.

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crottes de nez gelées et regard extasié

Cette semaine m’a aussi fait réaliser l’impact que le cirque pouvait avoir sur ces enfants. Par exemple, il y a ce garçon : 13 ans, les dents un peu de travers, le regard teinté d’un air de défi, on le devine toujours prêt à faire un sale coup. J’étais en train de faire la vaisselle quand il arrive près de moi et me dit “Julie, stop, ce n’est pas à toi de faire ça! Laisse moi le faire”. Heu, xxxxxx, c’est toi? Dingue. En fait, le cirque, c’est une opportunité incroyable pour ces gosses, l’occasion de faire quelque chose qui peut changer leur vie. Mais c’est à eux de saisir cette chance. Je me souviens d’une conversation entendue dans les vestiaires du cirque entre la directrice et un enfant.

– je suis désolé, j’ai raté l’entrainement hier mais en fait j’ai loupé mon bus et puis je me suis perdu et bon enfin…

– ah oui?  Mais je m’en fous, tu sais. Tu viens, tu viens pas. C’est ta vie. C’est ton choix. Ta VIE. 

Et BAM. Ca peut paraître terriblement dur lorsque l’on sait les situations extrêmement difficiles que ces enfants traversent (et je pèse mes mots), mais en fait c’est ce qu’ils ont besoin d’entendre. Ca les force à prendre leurs responsabilités, à être exigeant envers eux mêmes.

Je vous laisse avec une vidéo que j’ai réalisée il y a quelques mois mais que je n’ai pas encore postée ici où j’explique ‘the fantastic story of Upsala Circus’. Je suis tellement fière de participer à ce projet.

Я скучаю по тебе (tu me manques)

J’habite dans un confortable appartement, qui s’ouvre avec des clefs bizarres qu’il faut tourner dans le mauvais sens (dans le sens des aiguilles d’une montre pour ouvrir, dans le sens inverse pour fermer, c’est perturbant). Il est situé dans la partie nord de St Petersbourg, sur une avenue (ou une «prospiekt») qui porte le nom d’un philosophe marxiste : Engels. Normal quoi. 

Mon appart se trouve entre deux sex shop et un coiffeur appelé «Selfie». Si, si. Ce genre de choses ne s’inventent pas.

where I live

Oui, c’est assez original comme location. Et non, je n’ai pas -encore- été voir ce qu’ils proposaient dans le sex shop. 

Cet appartement, c’est un peu la tour de Babel, on y parle anglais (principalement), mais aussi français, russe et espagnol (un petit peu). Depuis lundi, il est étrangement silencieux. Ma colloc bien aimée est partie en France pour refaire son visa. Cet article lui est dédié.

maya darogaya2

favourite name

Haha ^_^

Sinon je retourne en Belgique demain, youhou! Je suis super contente de revoir ma famille, mes amis, et renouer avec mes habitudes de l’année passée (oh, oui, même les plus inavouables… “Repère des rennes”, j’arrive!)